Le vélo est la « passion extrême » de Mickael Rouzière. Grâce à sa fonction d’arbitre, il a pu l’assouvir pendant cinq semaines, au plus haut niveau du cyclisme, du Tour de France aux Jeux olympiques, « et aussi grâce à mon patron qui est compréhensif et qui a compris que c’était important pour moi ». Le Président de la Commission du Corps Arbitral (CRCA) du Comité de Bretagne veut d’ailleurs tirer parti de son expérience pour montrer aux jeunes que la fonction d’arbitre est aussi une façon de côtoyer le haut niveau de très près.

UNE HEURE À ATTENDRE LE CAMION-BALAI

Quel était ton rôle pendant le Tour de France ?

J’étais commissaire moto. C’était mon 5e Tour de France et mon 6e Grand Tour. Ce n’est jamais routinier.
Il n’y a jamais les mêmes collègues, pas les mêmes pilotes, ni les mêmes coureurs. On travaille soit à l’avant, soit à l’arrière, il y a les contre-la-montre, la montagne. Cette année, j’ai suivi pour la première fois le gruppetto en montagne. C’est hyper intéressant. Une étape, c’est six heures de concentration. Et le jour de l’étape de Tignes, nous avons dû attendre une heure le camion-balai car c’est là que nos affaires sont transportées. A la fin, on avait vraiment froid mais ça fait partie du jeu.

Comment préparez-vous le Tour avant l’épreuve ? Le président de jury vous oriente-t-il ?

Il y a une réunion avec le Président de Jury pour nous harmoniser entre nous pour qu’on ait le même langage vis à vis des coureurs et des directeurs sportifs. Le rôle de l’arbitre c’est la prévention. Notre rôle est qu’il n’y ait pas d’erreurs, on va voir avant les personnes pour les prévenir : « vous savez que vous ne pouvez pas le faire ». Tous les matins nous avons une réunion tous ensemble, on parle de l’étape de la veille et nous préparons l’étape du jour.

Faut-il s’imposer face aux DS ?

Avec le temps, ça va mieux. Au Tour de France, il y a une pression naturelle sur tout le monde, ça peut être très nerveux. C’est la plus grande course du monde. Ce n’est pas simple au départ, mais tout le monde connaît la règle.

« IL FAUT QUE ÇA RENTRE DANS LES MŒURS »

Cette année, il y avait de nouvelles règles pour les jets de déchets et les positions interdites, le Président du Jury vous a-t-il demandé d’insister dessus ?

Dès qu’il y a une nouvelle règle, il y a une attention plus forte. L’organisateur avait insisté auprès des directeurs sportifs. Mais il faut que ça rentre dans les mœurs, les coureurs avaient tellement l’habitude de jeter. J’étais triste de voir des enfants avec un panneau «Un bidon SVP », mais il y a l’aspect sécurité, quand les enfants se précipite pour récupérer un bidon par exemple. La règle existe. Dans l’application de ce règlement, l’arbitre vidéo a un rôle important. Quand on est en course à faire des barrages, on ne peut pas regarder partout.

Comment l’arbitre vidéo communique avec les autres commissaires du collège ?

Après chaque étape, les commissaires internationaux vont dans le car vidéo et prennent les décisions en fonction des vidéos mais pas seulement. Les vidéos ne filment pas une action en entier. Ils tiennent aussi compte de l’avis des commissaires moto. Nous travaillons ensemble.

Qu’est-ce qu’il t’a plu quand tu as suivi le gruppetto ?

C’est autre chose. C’est l’esprit d’équipe pour une seule cause : rentrer dans les délais. Il n’y a plus de maillot, tout le monde met la main à la pâte. Ils roulent à un rythme régulier dans les ascensions de col. Mais dans les descentes et sur le plat, ça roule à fond. Dans le gruppetto, ça ne triche pas beaucoup. C’est un autre vélo! C’est une union sacrée, même entre DS. Ils couvrent des coureurs d’autres équipes.

« LES JEUX OLYMPIQUES C’ÉTAIT MON RÊVE D’ENFANT »

Et à Tokyo, pour les Jeux olympiques sur route, quel était ton rôle dans la course ?

J’étais régulateur, avec l’UCI. Nous étions deux avec Pablo Longo Borghini (l’ancien pro de la Barloworld et de la Liquigas NDLR), un à l’avant et l’autre à l’arrière de la course. Nous inversions entre les courses Hommes et Dames. J’étais chargé de réguler la partie non-sportive : la télé, les invités. Pour le contre-la-montre nous étions une fois au départ et l’autre fois à l’arrivée pour gérer la mise en place des véhicules et la dérivation. Les Jeux, c’est calme, il y a moins de monde à gérer. Le public sur le bord des routes respectait les consignes de l’état japonais mais j’étais surpris de voir autant de monde au bord de la route, c’était fantastique. Aller aux Jeux olympiques, c’était mon rêve d’enfant.

En tant que Président de la Commission du corps arbitral, comment analyses-tu la perte de licenciés chez les arbitres ?

La diminution du nombre de courses est une explication. La licence est relativement cher, les gens ont hésité à la reprendre pour quelques courses seulement.

Comment vois-tu ton rôle de Président de la Commission ?

Je suis responsable, plus que Président, je ne peux pas travailler tout seul. Notre premier rôle est de désigner les arbitres pour que chaque épreuves puisse avoir les trois arbitres nécessaires. Pour cela nous travaillons main dans la main avec les commissions départementales pour les épreuves du calendrier régional. Si on ne travaille pas en équipe, ça ne peut pas fonctionner.

« IL FAUT TOUJOURS UN MODÈLE DANS LA VIE, LE MIEN C’EST DIDIER SIMON »

Comment vois-tu les relations entre les arbitres et les autres acteurs des courses ?

Nous voulons restaurer cette relation. À une époque, l’arbitre arrivait un peu comme sachant ce qu’il fallait faire. Aujourd’hui, le rapport est fait pour aider les organisateurs, pas pour les blesser. C’est la même chose avec les directeurs sportifs et les coureurs. Nous devons travailler main dans la main, par exemple j’ai aidé l’Estivale Bretonne pour leur guide technique. Il y a beaucoup d’arbitres qui sont aussi organisateurs. Les organisateurs se battent toute l’année pour leur épreuve et je leur dis un grand bravo.

Pour renouveler les arbitres, comment comptes-tu attirer les jeunes vers l’arbitrage ?

C’est ce qui m’attire. J’ai fait de la compétition mais je n’allais pas forcément rouler 3-4 fois par semaines.
Je me suis demandé ce que je pouvais faire en dehors de la compétition quand on aime le vélo. Un jour, tu montes sur un podium pour aider pour les sprints, tu achètes ton magnétophone. Et puis tu te dis que tu aimerais faire d’autres courses. L’arbitrage te permet d’aller au Tour de France sans être coureur.

Qui t’as aidé pour arriver à ce niveau ?

En Bretagne, nous avons la chance d’avoir Didier Simon. Nous, tous les arbitres, nous lui devons tout. Il nous a été d’une grande aide. Je ne serai jamais là sans lui. Il était président de la commission quand j’ai débuté. Il nous a formés, mis sur des courses pour acquérir de l’expérience sans nous brûler les ailes. Il était arbitre vidéo à Tokyo, il est un des meilleurs arbitres au monde. Il a toujours un bon conseil et aujourd’hui, j’essaie d’être dispos pour tout le monde qui a besoin d’un conseil. Il faut toujours avoir un modèle dans la vie, le mien c’est Didier Simon.