Audrey Cordon-Ragot, on vous a beaucoup vue dans les sous-bois cet hiver…
Cela fait deux ans que je dispute quelques cyclo-cross et je dois avouer que j'y ai pris goût. Cela me permet également de faire des intensités autrement que sur la route. C'est beaucoup plus ludique que de se retrouver toute seule à l'entraînement. Cele me plairait d'effectuer une saison complète, je pense d'ailleurs que je pourrais m'illustrer sur un championnat de Bretagne, mais au niveau calendrier, c'est compliqué. Les championnats de Bretagne de Kerlouan, par exemple, tombaient cette année en même temps que le stage de mon équipe… Et puis, ça me ferait reprendre la compétition assez tôt, sachant que je termine généralement ma saison de route fin septembre. Pourquoi pas la dernière année de ma carrière ? On verra. Pour le moment, ce n'est pas dans mes objectifs.
 
Dans quel état d'esprit abordez-vous la nouvelle saison ?
Le début de saison va être très important dans la mesure où la sélection en équipe de France pour les JO (qui sera annoncée le 6 juin) va se jouer sur les résultats de la première partie de l'année (la France dispose de trois places, une quatrième est possible à condition de terminer parmi les cinq premières nations). Du coup, je vais débuter la saison avec un peu de pression et l'envie de bien faire. Je suis sereine, je me suis bien entraînée cet hiver, j'ai effectué deux stages en Espagne, je n'ai pas eu de pépins physiques. J'espère être d'attaque pour les premières classiques. Je pense être dans les temps. Le cyclo-cross est, justement, un bon repère : l'an dernier, je galérais pour obtenir une victoire au niveau régional tandis que cette année, j'ai dominé les premiers cyclo-cross.
 
Pour votre sélection, vous n'êtes pas vraiment inquiète…
Une sélection n'est jamais acquise. Une grosse méforme, une révélation d'une autre concurrente, tout peut aller très vite… En 2012, Christel Ferrier-Bruneau était favorite pour aller aux JO et elle était restée à la maison. Bon, je sais que j'ai une chance d'être sélectionnée.
 
Les Jeux de Rio, c'est l'objectif de votre saison ?
Oui, bien sûr. En 2016, tout est tourné vers les JO. Je ne pense pas poursuivre ma carrière jusqu'aux JO de 2020 du coup, les Jeux de Rio, c'est le grand objectif. Les JO de 2012, c'était une découverte, 2016, c'est l'année pour briller. J'ai 26 ans, je suis dans mes meilleures années, je n'ai pas envie de me louper. Le circuit de Rio est très difficile, avec des pentes très accidentées. Du coup, la préparation est spéciale. On ne peut pas se permettre d'arriver au Brésil avec un kilo de trop, par exemple. Je dois aussi trouver le coup de pédale cadencé de montagne. Après les Jeux, il y aura le chrono par équipes et les championnats du monde mais avant cela, il y a les Jeux…

Et avant les Jeux Olympiques ?
On va courir après tous les lièvres afin de décrocher le maximum de résultats. Cela dit, si j'avais une ou deux courses à pointer dans le calendrier, ce serait la Strade Bianche en Italie, en mars, et la Flèche Wallone, fin avril. Ce sont les deux courses qui vont ressembler le plus à celle des JO en terme de difficulté. J'espère être performante dès le premier week-end de mars. Je veux marquer les esprits rapidement. Je me dois également de faire ma place au sein de l'équipe Wiggle-Honda, ce qui n'est pas évident. L'équipe Wiggle-Honda est n°1 mondiale, elle a recruté trois filles de talent et je ne suis pas forcément parmi les dix grosses “machines” de l'équipe. Même au sein de l'équipe, la concurrence est rude. A moi de démontrer que je suis capable d'aller faire de bons résultats. Je n'ai pas le droit à l'erreur, ni avec mon équipe, ni avec l'équipe de France. Je suis motivée comme jamais pour prouver que je suis là, au haut-niveau.
 
Comment vivez-vous cette pression ?
Ça me booste à fond ! Aujourd'hui, par exemple, je dois aller rouler, il ne fait pas beau mais ce n'est pas grave, je vais y aller quand même. Je serai trempée, j'aurai froid quand je vais revenir mais je sais que mon entraînement sera bénéfique pour la suite.
 
Quelles sont vos ambitions au plan national ?
J'espérais gagner à Cholet en Coupe de France malheureusement, la course a été supprimée. C'est dommage, c'était ma course fétiche. L'équipe Wiggle-Honda disputera les deux manches de Coupe de France à Plumelec et évidemment, je serai au rendez-vous. Ce seront d'ailleurs mes deux seules manches de Coupe de France. Je pense aussi disputer davantage de courses avec les garçons en Bretagne. Concernant les championnats de France, c'est difficile à dire : si l'on considère que les Jeux de Rio constituent l'objectif, les “France” arrivent un peu tôt pour être en forme au Brésil. Bon, j'espère quand même m'en sortir lors des championnats de France.
 
Lorsque vous évoquez les JO, à quoi pensez-vous ? Au titre, à une médaille, à un Top 5 ?
Les JO 2016 sont tellement difficiles que cela va se jouer à la pédale. Il faut également savoir que, contrairement aux Mondiaux, les équipes nationales n'ont que quatre filles engagées au JO et ça change beaucoup de choses au niveau des tactiques de course. Les cartes sont redistribuées et je suis convaincue qu'il y a moyen de tirer son épingle du jeu. Du coup, si j'y vais, c'est avec l'ambition de faire une médaille. Si ce n'était pas le cas, cela ne serait pas la peine de s'entraîner aussi dur. 
 
Revenons sur votre saison 2015 pour le moins contrastée. Quel bilan en faites-vous ?
Disons qu'elle est mi-figue, mi-raisin. Bien entendu, je suis contente de mes résultats, de ma 14ème place au Strade Bianche pour une première et, surtout, de mon titre de championne de France du contre-la-montre dans la mesure où cela faisait longtemps que je courais après. Et puis, il y a eu cet enchaînement de galères, ces chutes, la fracture de la clavicule sur le Tour d'Italie, début juillet. J'ai ensuite fait un énorme blocage psychologique sur le vélo, je n'étais plus moi-même. Je n'arrivais plus à remonter dans un peloton, j'étais terrifiée et comme je traînais derrière, je suis encore tombée… Heureusement, j'ai réussi à reprendre du poil de la bête lors des championnats du monde. Finalement, ma saison est mitigée même si je n'ai pas trop à me plaindre. 
 
Et le but, c'est de faire mieux en 2016…
C'est clair. Depuis quatre ans, ma préparation est axée sur 2016. Normalement, ça doit être la plus belle année de ma carrière, on va voir. On ne va pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué mais j'espère vivre une belle et grande année et ensuite dérouler jusqu'à ma fin de carrière.
 
Qui est programmée pour quand ?
Je ne sais pas. Je prends du plaisir sur le vélo et c'est donc difficile de programmer l'arrêt de ma carrière. D'un autre côté, je ne peux pas me permettre de raccrocher à 40 ans, il y a la vie de famille…

 

Interview parue dans La Bretagne Cycliste, Abonnez-vous en ligne