Virginie Cueff, vous avez pris la décision de mettre fin à votre carrière. Pourquoi ?
Je voulais finir ma carrière par les Jeux Olympiques. Personnellement, je trouve qu'il n'y a pas plus belle compétition que les JO pour terminer une carrière. J'aurais très bien pu continuer jusqu'aux prochains championnats d'Europe ou jusqu'aux prochains championnats de France et raccrocher là-dessus mais ça n'aurait pas été pareil. Je voulais finir par les Jeux. Ma décision était prise depuis plus d'un an. Elle est définitive. J'en avais parlé à mes proches et à l'encadrement de l'équipe de France. Tous étaient au courant que les Jeux de Rio allaient être ma dernière compétition. C'était le bon moment pour arrêter.

 

Vous auriez également pu raccrocher à l'issue des Jeux Olympiques… de 2020 à Tokyo.
Tokyo, c'est dans quatre ans… Chez les sprinteuses, même si je n'ai que 28 ans, je fais déjà partie des anciennes. Sincèrement, je ne me voyais pas repartir pour une olympiade. J'ai la fibre musculaire d'une sprinteuse et même si j'ai été épargnée par les blessures durant ma carrière, je suis quand même bien abîmée. Il y a quand même pas mal de casses chez les sprinteuses. Avec la musculation et les efforts répétés de l'entraînement et de la compétition, j'ai un genou en vrac, par exemple. Je suis abîmée. J'ai besoin de me préserver. Je n'ai pas envie d'être sur les rotules à 70 ans. Je ne voulais pas mettre fin à ma carrière à l'âge de 32 ans. Et puis, j'ai aussi envie de penser davantage à moi, d'avoir une vie personnelle. Je vais me marier, par exemple.

 

Au Brésil, avez-vous pensé à cette fin de carrière qui s'annonçait ?
Non. A partir du moment où ma décision était prise, je n'ai pas été embêtée avec cela. J'ai profité de l'instant. Je suis rentrée dans ma compétition. J'aurai tout le temps de repenser à ma carrière après.

 

Comment avez-vous vécu vos seconds Jeux Olympiques ?
Je suis un peu déçue. D'un point de vue résultat, je m'attendais en tout cas à mieux (elle a terminé 6ème en vitesse par équipes, 12ème en vitesse individuelle et a été éliminée en demi-finale du keirin). Je me sentais bien, je pense que je n'avais jamais été aussi forte. Je réalisais de bons temps à l'entraînement, j'ai même battu mon record personnel sur 200 m dès mon entrée en compétition. Je voulais bien finir. Malheureusement cela ne s'est pas passé comme je l'espérais. Ma chute spectaculaire en keirin m'a permis d'être la star du village olympique durant trois jours (elle rigole) mais ce n'était pas le but. La vidéo et la photo où l'on me voit monter jusqu'à la balustrade avant de tomber ont fait le buzz… Le lendemain de ma chute, j'avais le corps un peu fracassé mais j'y suis allée avec les moyens du bord. Ca allait un peu mieux ensuite, malheureusement, je me suis fait éliminer en huitième de finale du tournoi de vitesse pour un millième. J'ai tout donné, je me suis battue sur le vélo. J'aurais aimé finir mieux que ça. Je suis persuadée que c'était possible. Certaines de mes adversaires étaient cramées, il y avait de la place pour faire mieux.

 

Quand vous êtes tombée, vous n'avez pas eu peur que tout s'arrête ?
Non. Je ne me souviens plus trop de la chute. J'ai tapé la tête sur la piste. Quand j'ai vu qu'il n'y avait rien de cassé, j'ai immédiatement pensé aux repêchages. Je ne pensais pas arrêter la compétition là-dessus. J'avais un gros hématome au niveau du tibia, le médecin ne voulait pas que j'aille rouler mais je ne pensais déjà qu'à recourir.

 

Vous rêviez-vous d'une médaille ?
Bien sûr ! On en rêve tous. Comme tout le monde je pense, j'ai toujours couru dans l'espoir d'accrocher un podium. J'avais beaucoup d'espoir pour l'épreuve du keirin, malheureusement. Il y a eu cette chute. D'un autre côté, comme j'avais l'expérience des Jeux de Londres derrière moi, j'ai davantage profiter de ces JO. J'étais plus forte aussi. 

 

Quel bilan de votre carrière faites-vous ?
Je n'ai pas eu le temps d'y penser. Quand Florian Rousseau m'a sollicitée pour rejoindre l'Insep ('Institut national du sport à Paris) à la rentrée 2005, lors des championnats de France à Hyères en juillet, je n'imaginais jamais effectuer onze ans au plus haut niveau. Je ne m'attendais jamais à toutes ces expériences. J'étais junior, j'avais 17 ans. Je quittais la région de Brest, je ne savais pas trop où j'allais. Je pensais aux champions que j'allais croiser là-bas. L'Insep, c''est un village. Sportivement, j'aurais sans doute espéré mieux comme une médaille sur un championnat du monde. On a toujours envie de faire mieux, c'est normal. D'un autre côté, je regarde mon parcours avec une certaine émotion. J'ai disputé des compétitions partout dans le monde (Mexique, Etats-Unis, Colombie, Australie, Chine..), j'ai vécu des moments extraordinaires. Quand j'étais une jeune licenciée du Bic 2000, je n'imaginais pas cela. Mon sport m'a aussi forgé un mental d'acier que je vais conserver toute ma vie. Il m'a appris des milliers de choses sur moi, il m'a rendu plus mature, plus forte.

 

Quel est le meilleur souvenir de votre carrière ?
C'est impossible d'en ressortir un. En fait, c'est tous les podiums que j'ai décrochés, aux championnats d'Europe, aux championnats de France, en Coupe du monde. Mon record de France du 200 m (au Mexique en 2014) et ma première sélection pour les Jeux Olympiques en font aussi partie. Quand tous ces sacrifices et tout le travail que l'on fait à l'entraînement portent leurs fruits, ça devient de bons souvenirs. Il n'y a pas de performances au-dessus des autres.

 

Avez-vous des regrets ?
Il m'a manqué un podium aux championnats du monde. J'avais raté le bronze pour un millième chez les juniors. Quand on perd une course de si peu, c'est toujours rageant. Je suis également tombée malade avant certaines compétitions et comme en piste, on ne court pas souvent, c'est toujours frustrant d'arriver malade.  

 

Vous souvenez-vous comment vous aviez opté pour la piste au Bic 2000 ?
Oui, bien sûr. J'ai commencé par la route et un samedi, j'ai participé à une journée de découverte de la piste. J'ai tout de suite accroché. Hervé Guillaouic, l'entraîneur piste, m'a expliqué comment cela fonctionnait et ça m'a beaucoup plu. Ce que j'aimais déjà à l'époque, c'était le sprint.

 

De quoi sera fait votre avenir ?
Je ne sais pas encore. Certaines choses restent à finaliser. Une chose est sûre, il va se passer en Bretagne. Je veux rejoindre ma famille et mes proches en Bretagne. Là-bas, je vais continuer à rouler sur la route pour le plaisir. Lé vélo, maintenant, ce sera pour le fun.
 

 

Interview parue dans la Bretagne Cycliste, Abonnez-vous en ligne