Julien Morice, vous êtes sans doute l'un des seuls professionnels bretons qui n'est pas encore en vacances…
Logiquement, il me reste encore deux manches de Coupe du monde sur piste (à Auckland en décembre et à Hong Kong en janvier) à disputer. D'ici là, il y aura la reprise de l'entraînement sur route et déjà les premiers stages avec l'équipe Direct Energie. Je ne vais pas beaucoup couper durant l'intersaison. Je vais fonctionner avec des micro-coupures. C'est le prix à payer pour essayer de décrocher une sélection pour les Jeux Olympiques de Rio.
 
Avant d'y revenir, quel bilan faites-vous de votre première saison sur route chez les professionnels ?
Je pense avoir réussi à franchir un palier, je l'ai senti en fin de saison. L'enchaînement des courses m'a permis de passer un cap dès ma première saison chez les pros. Je suis satisfait. J'ai constaté qu'en fin de saison, je pouvais aider Bryan Coquard plus efficacement et plus facilement qu'en début de saison. J'ai commencé l'année en Belgique sur toutes les classiques où il faut de l'expérience et davantage de maturité physique pour faire sa place. J'ai disputé ma première course Pro Tour en Catalogne où j'ai travaillé pour Bryan Coquard et Pierre Rolland. Au final, je pense avoir effectué une bonne première saison à ce niveau. J'ai beaucoup enchaîné jusqu'au championnat de France, j'ai coupé pendant le Tour de France ce qui m'a permis de récupérer et j'ai bien fini même si les résultats n'ont pas été très probants. J'ai 50 jours de course au compteur.
 
Appréhendiez-vous ces grands débuts chez les professionnels ?
Plus ou moins. J'avais déjà effectué une fin de saison comme stagiaire professionnel et j'avais donc une idée du niveau. Je connaissais également une grosse partie de l'équipe Europcar. Cela dit, quand on est stagiaire, on est toujours un peu tout feu tout flamme comparé aux coureurs professionnels qui sont parfois un peu émoussés en fin de saison. Effectuer toute une saison chez les pros, c'est quand même différent. Enchaîner les courses de plus de 200 kilomètres, faut le digérer physiquement.
 
Au niveau des résultats, ça a donné quoi ?
Sincèrement, je n'ai rien obtenu de notable. Après, j'avais un rôle de coéquipier à tenir et un coéquipier, quand la télé arrive et que la ligne approche, il n'est plus là… C'est le jeu, chacun a son rôle. Il me manque aussi un peu de puissance pour terminer dans les dix premiers des chronos, ça va venir. Ce n'est pas parce que je n'ai pas eu de résultats que ma saison est négative, loin de là. Après, en début de saison, on m'a expliqué que dans un premier temps, j'étais là pour aider Bryan Coquard.
 
Quel est votre meilleur souvenir de la saison ?
Sur le Tour de Catalogne, même si c'était dur physiquement, j'ai pris beaucoup de plaisir à rouler pour Pierre Rolland qui avait le maillot de leader sur les épaules. Sur certaines épreuves, avec l'équipe, on a également réussi à mettre un train pour Bryan Coquard, c'était valorisant. J'ai aussi effectué quelques grandes échappées : sur le Grand Prix Impanis, sur le Grand Prix du Danemark où ça roulait très vite…
 
Avez-vous traversé des moments difficiles ?
J'ai enchaîné plusieurs chutes. Sur les Quatre Jours de Dunkerque, notamment, où j'ai terminé lanterne rouge. J'étais un peu dans le dur là-bas. C'est le vélo.

 
En début de saison, avec la préparation des championnats du monde sur piste, vous ne vous êtes pas dit que ça faisait beaucoup d'enchaîner piste et route ?
L'hiver dernier, je n'ai disputé qu'une manche de Coupe du monde et les Mondiaux sur piste, je ne pense pas que cela m'ait été préjudiciable. A la limite, je vais peut-être avoir ce sentiment cet hiver en effectuant toute la saison piste avant de reprendre la route. Je vais devoir m'accorder une période de repos.

 Revenons sur la piste, alors. Le meilleur souvenir de votre saison, c'est probablement cette médaille de bronze en poursuite individuelle lors des championnats du monde de Saint-Quentin-en-Yvelines, non ?
Bien sûr ! On avait été très performant en poursuite par équipes et cette médaille en individuelle était un peu inespérée. C'était exceptionnel ! En France, en plus… Devant ma famille, mes amis… C'est le plus grand moment de ma carrière. Cette médaille n'était pas un aboutissement parce que je vais continuer mais plutôt une confirmation. Depuis les rangs juniors, j'étais toujours présent mais jamais à très haut niveau. Et puis, j'étais champion de France pour la première fois, cela confirmait mon cursus sur la piste. C'était une façon de valider ce cursus. J'espère revivre de grands moments comme celui-là.

 

Vous avez renoué avec la piste avec deux titres lors des championnats de France sur piste à Bordeaux et avec deux 4ème places lors des championnats d'Europe en Suisse…
A Bordeaux, j'ai remporté la poursuite par équipes et l'omnium avant de tomber sur plus fort que moi (Sylvain Chavanel) lors de la poursuite individuelle, le titre que je voulais le plus… Je n'ai pas de regret. En Suisse, la médaille de bronze était sans doute accessible en poursuite par équipes mais j'ai commis une erreur en finale. Dommage, sans cela, on aurait sans doute battu le record de France. En individuel, j'ai terminé également 4ème, à quatre dixième du Néerlandais en finale. J'étais un peu déçu aussi. Je suis passé à autre chose, ce n'est pas grave.
 
2016 va être une saison importante pour vous avec la route et, surtout, la perspective des JO…
Pour aller à Rio en poursuite par équipes, il faut que l'on termine dans les six meilleurs pays européens et dans les dix meilleurs mondiaux. Pour l'instant, ça ne se présente pas très bien : on est en pleine remontée mais les Pays Bas sont 6ème nation européenne et on se doit d'être bon tout l'hiver pour revenir. On est au pied du mur. On sera fixé aux Mondiaux de Londres. On doit rester sous pression, on n'a pas le choix. Ça va se jouer à pas grand chose. Il faut être confiant, sinon, on ne va pas y arriver.

Les Jeux Olympiques, c'est un rêve ?
Pour tous les sportifs, les JO, c'est exceptionnel. C'est le rêve. On y avait déjà songé pour les Jeux de 2012 avec la poursuite par équipes mais on n'était pas dans la course pour les qualifications. Depuis les Mondiaux de Saint-Quentin-en-Yvelines, le projet est relancé. On part avec du retard, on va devoir mettre les bouchées doubles. On touche du doigt le rêve… Après, ce ne serait pas un aboutissement d'aller aux JO car on espère aussi être performant là-bas. On pense à la médaille ou à une grande finale.
 
Vous prenez davantage de plaisir sur la piste ou sur la route ?
C'est différent. Je prends beaucoup de plaisir sur la piste. Sur la route, j'en prends aussi mais il y a beaucoup de moments de galère pour peu de moments de plaisir. Après, ces moments de plaisir sont décuplés par rapport à une vie normale… Quand on prend plaisir sur la route, c'est une joie parfois indescriptible et c'est pour ces peu de jours-là que l'on galère le reste de l'année. Et puis, c'est la route qui me fait vivre.

 

Vous connaissez votre objectif piste de 2016. Et votre objectif route ?
J'espère prendre ma place dans le train pour Bryan Coquard d'autant plus que l'équipe Direct Energie sera beaucoup articulée autour de lui. On va bien bosser en stage cet hiver, on prendra nos marques en début de saison.  

 

Interview parue dans la Bretagne Cycliste, Abonnez-vous en ligne !